Dead ou la plénitude du désastre /Elodie Lesourd/
Extrait du texte publié dans le magazine Bad To The Bone, issue10, mars 2017
English to come
Les désirs transgressifs,
les excès tant historiques qu’esthétiques, les croyances païennes teintées de
maléfices ont débordé du champ musical du Black Metal pour devenir un langage
plastique. Les artistes contemporains plongés dans cet abime ont étendu les signifiants
en transformant l’événement en phénomène, l’anecdote en mythe, le musicien en
icône. Le caractère immatériel de la
musique, son irreprésentabilité, conduit à son incarnation (cristallisée
dans le cas de la figure humaine) par
l’image. Cette incarnation concrète, spécifique jusqu’à l’extrême parfois, court-circuite
toute exploration. Mais les artistes, comme les Dises nordiques, communiquent
avec certains disparus grâce à leur chamanisme, et un sujet particulier s’est
révélé non plus muse mais digne d’Astarté : Per Yngve Ohlin.
Il n’est pas, dans
l’exercice esthétique, de manifestation pure de Per Yngve Ohlin. Seule la
tentative de l’artiste suédois Martin Bladh présente son visage d’adolescent noyé
dans un portait sépulcral (The Cult of
The Young Man – Eight Ghost Stories (Per Yngve Ohlin), 2011).
Mais l’homme qui apparait
sous les inventions de nouvelles possibilités d’existence - ce qu’il
recherchait - est peut-être Pelle, mais surtout Dead [1].
Parmi les musiciens de la scène norvégienne, il est
celui qui concentre inventivité, radicalité et brutalité ; par sa présence
incandescente et fulgurante (en à peine trois ans), il a déterminé le style
tout entier.
Son champ sémantique est celui de la mort : de la
fascination bouillonnante et sans limite (initiée par son expérience de mort imminente[2] étant
enfant, en Suède) à l’euphorie de la damnation, elle devient manifestation
suprême de la liberté. Avec Mayhem, dès le début de l’année 1988, le jeune
homme de 19 ans trouve l’outil idéal pour délivrer ses visions morbides empreintes
de romantisme décadent - imprégné aussi bien par la flamboyance des châteaux
gothiques que par les monstres lugubres - au travers de ses paroles, de sa voix
enténébrée mais aussi de ses prestations scéniques à l’intensité torrentueuse...
[1] Per
Yngve Ohlin (1969-1991) était appelé Pelle par ses amis et s’était donné comme nom
de scène Dead.
[2] Sensations perçues parfois par des personnes mortes cliniquement quelques instants. Dead en a gardé une obsession pour la vie après la mort.
