''


Bend Sinister /Anne Malherbe/ 
Extrait du compte rendu de l'exposition personnelle Bend Sinister, Artpress n°359, septembre 2009



Remarquée en 2005 dans l'exposition J'en rêve à la Fondation Cartier, Élodie Le­sourd est une artiste de 31 ans qui peint des compositions étonnantes par leur facture hyperréaliste, à la luminosité souvent blafarde, comme surexposée, ou baignée d'un rouge électrique. Il y règne une atmosphère de désertion : scène vide après un concert, lustres effondrés… En réalité, si l'on entre plus pré­cisément dans les tableaux, on découvre qu'ils se situent au bout d'une chaîne de références. Ils prennent pour point de départ des images d'œuvres généralement éphémères, auxquelles le titre de la peinture fait allusion - installations de Terence Koh ou du Néo-Zélandais Julian Dashper, intervention de Jim Lambie. Sou­vent, il ne subsiste plus de celles-ci que des documents lacunaires. L'artiste ne se laisse que le choix du document d'origine : le format, le cadrage, la composition sont ceux de l'image. Elle-même n'intervient en qualité d'auteur que dans les règles du jeu qu'elle s'est fixées et dans l'exécution de la peinture. Au-delà de ces règles et des ré­flexions autour de la définition de l'auteur, on remarque surtout l'attachement de l'artiste à l'idée de rendre pérennité et consistance à des œu­vres éphémères. Et ce, à l'aide d'une peinture très minutieusement exécutée, sans quelque béquille que ce soit (rétroprojection ou mise au car reau). Il y a là un effort romantique, presque désespéré (ce n'est pas étonnant si l'univers de prédilection de l'artiste est celui du rock) de faire durer dans la matière des œuvres promises à l'évanouissement, comme si elle s'était donné pour mission d'endiguer le travail du temps. Il en résulte des œuvres au fort pouvoir de fascination.